Histoire d’ Escaudain
Par Francis
DUPIRE
AVANT-PROPOS
Escaudain, comme d’autres cités de
notre région, se transforme si rapidement, que les traces du temps ancien
disparaissent une à une. Pour les faire revivre, il faut secouer la poussière
des archives, ce qui ne manque pas de procurer la joie de connaître.
Cédant aux instances de concitoyens
désireux de partager cette joie, nous avons tenté de ressusciter le passé de
notre village eu un petit ouvrage, que nous savons incomplet et au style
télégraphique (cette plaquette est inspirée d’une plus importante
monographie, du même auteur ; la présente brochure est datée de 1966).
Pourtant, puissent-elles plaire à
ceux qu’intéresse l’Histoire locale, les lignes suivantes, qu’ils devront avant
tout à l’amour que nourrit un Escaudinois envers son vieux
« clocher ».
Sources principales : - Archives départementales du Nord.
-
Archives
du Service historique du Ministère de la D.N.
-
Bibliothèques
de Valenciennes, Mons, Douai et Saint Amand
-
Archives
municipales d’Escaudain et de Wallers.
-
Archives
paroissiales d’Escaudain.
-
Archives
notariales de Bouchain
-
Archives
particulières de :
o
M
le Chanoine Thelliez à Bouchain.
o
M.
G. de Valicourt de Séranvillers, à Blécourt.
o
Mme
Veuve Laude-Martin.
o
M.
Jean Soleil.
o
M.
Decroix, à Lille.
o
M°
A. Tréca, à Douai.
UN LONG VOYAGE DANS LE PASSÉ
Il y a 40 à 50 millions d’années,
notre pays était recouvert par la mer. À l’aube de l’époque quaternaire, soit
il y a 500 000 à 1 million d’années, la mer se retira. Mais, le courant qui
s’appellerait plus tard l’Escaut, avait creusé sa vallée. Celle-ci devait être
tantôt approfondie, tantôt remblayée. Il en résulterait alors des terrasses
alluviales. Précisément, Escaudain se trouve sur l’une de ces terrasses, dont
le sol est constitué par des limons épais de 2 à 3 m, reposant sur de la craie
blanche du sénonien inférieur. En se retirant, la mer laissa des galets. Nous
en avons trouvé, aux formes bien lisses, aux lieux dits « La
Couture » et « Le Long-Sept »
(entre les chemins d’Hélesmes et d’Haveluy).
Le climat étant devenu chaud et
humide, d’impénétrables forêts couvrirent le pays, cependant qu’auprès des
marais bordant l’Escaut, vivaient hippopotames et rhinocéros. Puis, il se
refroidit et les glaciers prirent une extension considérable : ce fut
l’époque des mammouths.
Après le retrait des derniers
glaciers würmiens, au début du néolithique - il y a environ 12 000 ans - le
climat se rapprocha de celui que nous connaissons et, alors, apparurent les
cervidés, les ruminants, les prairies et surtout la culture du sol.
Ce sol dut être conquis sur la Forêt
Charbonnière, dont les bois de Wallers, Vicoigne et Raismes ne sont que
d’infimes restes. Une hache en pierre polie, recueillie en 1924 sur notre
territoire, attesterait la présence de l’homme à Escaudain, à l’époque
néolithique.
GAULE CELTIQUE ET GAULE ROMAINE
La région septentrionale de la Gaule
celtique, envahie par les Cimbres au 2e siècle avant J-C, est une
plaine humide, d’où émergent des forêts de hêtres, de chênes. L’Escaut déborde
en mares croupissantes. Les Gaulois y pêchent ; la forêt leur fournit du
gibier. Dans ce décor sauvage, surgissent quelques villages informes, composés
de huttes en chaume ou en roseaux.
Escaudain est à l’est du territoire
des Atrébates, donc en Ostreban, appelé plus tard Ostrevant. En 57 avant J-C,
les romains envahissent notre région après avoir gagné une bataille sur le
Sabis, Sambre ou Selle. L’Ostrevant restera sous la domination romaine
jusqu’aux environs de 430, les occupants ayant subi ou repoussé, durant ces
quatre siècles, plusieurs invasions de Barbares.
Notre village doit probablement sa
première origine à cette occupation. Il a pu être, en effet, un petit castrum
ou castellum soutenant, comme d’autres postes, la voie Bavay - Arras, qui
passait à proximité de la place Gambetta. Du séjour des romains à Escaudain, il
est resté des poteries variées, des tuiles trouvées en 1919 et 1957, etc. outre
la voie Bavay - Arras, empruntée par saint Piat à
la fin du 3e siècle, une seconde voie romaine allant d’Hermoniacum
(environs de Bermerain) à Orchies aurait aussi traversé le territoire
d ‘Escaudain.
LES FRANCS
Après qu’Attila eût, en 451,
ravagé la contrée et que Childéric, roi en 458, eût été chassé et rétabli tour
à tour, Clovis commença à s’imposer. Il fit disparaître le roitelet franc de
Cambrai et fut, dès lors, maître de la région.
Après l’extinction d’un centre de
vie gallo-romain, les Mérovingiens durent s’implanter en dehors - car, il est
admis qu’ils procédèrent généralement ainsi - soit autour du lieu où s’élève
l’Atelier de l’Hermitage, c’est-à-dire à Escaudenœl, qui fut ensuite un hameau
d’Escaudain.
Le souvenir des Mérovingiens fut en
particulier ressuscité en 1956, à l’occasion de travaux de terrassement qui
mirent au jour 6 ou 7 squelettes, qu’accompagnaient des débris d’armes et un
vase funéraire. En 1962 , d’autres ossements étaient exhumés. C’est non
loin de la jonction des rues Danton et Ch. Lehut que ces découvertes se sont
situées.
Le toponyme Escaudain est d’ailleurs
d’origine franque. La désinence « ain » étant caractéristique de
l’établissement plus ou moins massif des Francs. L’incontestable racine est
Escaut. Et Escaudain se trouve être un nom marquant la position du village par
rapport au fleuve. Latinisé, ce nom prit diverses formes, dont Scaldinium en
847, Scaldinio en 1065.
En 575, après la mort de Sighebert,
les Austrasiens lèvent le siège de Tournai et retournent vers le Rhin en
parcourant la région. Au milieu du chaos, vers 604, Eligius (Saint Éloi) descend
l’Escaut de bout en bout pour évangéliser. Puis, Pépin devient maire du Palais
de Neustrie et d’Austrasie. En 760, l’Ostrevant est un pagus faisant partie du
Comté d’Artois. Les voies romaines sont plus ou moins abandonnées. Escaudain ne
présente, alors, qu’un amas de masures, où dominent le bois, la terre, le
chaume, masures groupées autour de l’exploitation du maître. Celui-ci possède
et habite une sorte de ferme-modèle avec large cour, entourée d’une palissade.
Sur un côté, se dressent la chapelle et les bâtiments d’habitation, le tout
surplombé par une tour de guet servant au besoin de refuge. Au fond, sont les
annexes agricoles : étables, granges… Soit à peu près l’image transposée
de l’ancienne Cense du Jardin public. Sur ce domaine vivent serfs, vilains ou
manants, soumis aux droits seigneuriaux. Ils cultivent principalement la fève,
soignent la basse-cour, entretiennent le colombier, élèvent les abeilles. Ils
vont aussi pêcher dans l’Escaut ou dans le courant d’Hertaing - avec
autorisation - c’est-à-dire dans les eaux qui limiteront le village au nord et
au sud.
A
PARTIR DE 843
En 843, l’Ostrevant est rattaché à
la France. En 847, Charles le Chauve donne Escaudain aux religieux de Saint
Amand. En 877, huit manses situés sur notre terroir sont attribués à l’Abbaye
d’Hasnon. En 881, les Normands
ravagent Denain et ses environs. Leurs raids précipitent la chute du régime
carolingien et font naître la Féodalité. Après le passage des pirates, les
habitants se resserreront autour de la ferme manoir fortifiée. En 951, les
Hongrois désolent l’Ostrevant où Escaudain est désigné par Scaldinius. Henri II
de Germanie incendie le dit Ostrevant, vers 1006, que la peste accable en 1008.
En 1043, le comté est rattaché au
Hainaut, lequel se réunit à la Flandre en 1051. L’Ostrevant est revendiqué
comme relevant de l’Empire allemand, en 1069 : le Val d’Escaudain, ce pli
de terrain entre le village et Denain, sert d’appui à cette thèse. Tous ces
remous politiques n’empêchent pas nos aïeux
escaudinois de porter le foin du seigneur au manoir de la rue Paul Bert,
les gerbes de blé à la Grange (entrepôt), d’aller au moulin de Neuville et au
four banal du village pour avoir du pain.
Parmi les possessions que Bauduin 1er
donne, en 1065, à l’Abbaye d’Hasnon, figurent des biens sur Escaudain, tandis
que vers 1090, le mal des ardents sévit chez nous et qu’un moine de cette
Abbaye d’Hasnon souligne l’importance que revêt Escaudain pour l’Abbaye de
Saint Amand.
L’ABBAYE DE SAINT AMAND ET ESCAUDAIN
En 899, Charles
le Simple confirmait aux religieux de Saint Amand la possession d’Escaudain,
qui comprenait Saulx. C’est ainsi que, pendant longtemps, l’Abbaye exploita les
terres d’Escaudain, grâce à une main d’œuvre salariée et corvéable à la fois,
dirigée par un moine prévôt et encadrée de convers. La première exploitation de
Saint Amand à Escaudain dut occuper l’emplacement où sont bâtis aujourd’hui la
Coopérative l’Économie et quelques immeubles voisins.
Dès le 11ème
siècle probablement, il y eut à Escaudain une avouerie, que cite en particulier
un document de 1162. L’avouerie était un office inféodé, dont le titulaire,
l’avoué, chargé de défendre les intérêts de l’Abbaye, se montrait plus souvent
l’adversaire de celle ci. Mais en 1276, l’Abbaye achetait à Mathieu dit Mengnerans,
la seigneurie d’Escaudain, la gavène (taxe sur les maisons des laboureurs),
l’avouerie, tous « droits » qui, possédés par l’avoué, étaient tenus
en arrière fief de Gérard de Prouvy et Guy de Montigny. On sait à ce sujet que,
depuis les temps carolingiens, le caractère des biens était de dépendre de
plusieurs maîtres à la fois, liés par contrat.
Éliminé, l’avoué,
il restait un obstacle qui entravait la liberté de l’Abbaye à Escaudain, le
mayeur héréditaire - le villicus - dont la charge existait au moins depuis la
fin du 11ème siècle. Ce mayeur avait hérité des droits et pouvoirs
de l’avoué. Sa charge consistait en un fief liège tenu paradoxalement de
l’Abbaye elle même : la Mairie. Elle avait fait du maire le propriétaire
de biens considérables. Au 14ème siècle, par exemple, les Beaufort
possédaient le manoir d’Escaudain (au jardin public), le four à ban, une
pêcherie dans l’Escaut, le bois de la Loge et la moitié du bois de Saint Amand
à Hornaing, plus de 80 ha de terres labourables, des prés, des rentes,
etc. En 1365, l’Abbaye acquérait donc
la Mairie d’Escaudain. Désormais, elle désignerait les maires, choisis parmi
ses fermiers. Car au 14ème siècle, l’Abbaye abandonnait le faire
valoir direct pour confier sa curtis (grosse exploitation agricole) à Cens.
Comme en 1097,
Lambert, évêque d’Arras, avait donné l’autel - et la dîme - du village aux
religieux, l’Abbaye de Saint Amand, après l’éviction de l’avoué et du maire
héréditaire, présiderait en grand seigneur aux destinées d’Escaudain pendant
plus de quatre siècles.
AUTRES REGARDS SUR LE MOYEN AGE
Escaudain-en-Ostrevant,
comme le reste du Comté, ne sut guère de qui il était tenu avant le 13ème
siècle. Et il eut à souffrir de l’imbroglio à plusieurs reprises, notamment en
1102, lorsqu’il fut mis à sac par Henri IV d’Allemagne.
En 1096, Hubert,
mayeur d’Escaudain, participait au tournois d’Anchin (Pecquencourt). C’était le
temps où le Comte d’Ostrevant, Anselme II, luttait contre l’Abbaye de Saint
Amand. En particulier, il voulait obliger notre village abbatial à faire moudre
le grain à Bouchain, au lieu de Neuville. Ici, il interdisait la traversée de
l’Escaut, où aboutissait le vieux chemin d’Escaudain plus tard nommé
« chemin des Vaches », devenu rue Paul Bert. Mais, Anselme dut faire
amende honorable et Escaudain ne vit pas s’interrompre le transport du vin que,
depuis Barisis (Aisne), l’Abbaye amenait jusqu’au Courant d’Hertaing. C’est
aussi par ce courant, dont la source actuelle se trouve à l’entrée de Wallers,
qu’étaient dirigés, sur Saint Amand, les vivres venant d’Escaudain.
En 1107, Paschal
II confirmait, à Saint Amand, la possession d’Escaudain, geste que renouvelait
Calixte II en 1119. En ce 12ème siècle, les Bauduin d’Escaudain,
mayeurs, étaient souvent cités comme pairs dans les actes importants. Ainsi, en
1162, 1174, 1184, époque où s’inscrivaient une longue épidémie et la famine
(1179), un nouvel incendie d’Escaudain (1184), les bizarreries de l’an 1186 où
les arbres fleurissaient en décembre, le terrible cyclone de 1187.
Après la querelle
des d’Avesnes et des Dampierre, l’Ostrevant était attribué à la Flandre en
1256, mais restitué en 1257 au Hainaut, dont il ne cesserait de faire partie
jusqu’en 1428. Toutefois, en 1290, dans l’Ostrevant « prêté » par
Jean II d’Avesnes à Philippe le bel, le roi n’avait que la garde des églises et
abbayes. Et, en 1294, deux clercs du roi Philippe déclaraient avoir convoqué le
comte Jean à Bouchain et qu’après avoir entendu les griefs dont il se plaignait
contre les gardiens des églises, il avait prononcé : « Le prisonnier
fait à Escaudaing dans la maison de Gérard par les gardiens d’Hasnon et
Saint-Amand sera rendu comme ayant été pris au préjudice de la souveraineté du
comte et de la justice du dit Gérard ». Gérard était l’un des
mayeurs qu’Escaudain connut au 13ème siècle durant lequel Walter, Dant
Augustin, Jehans de Biaufort exercèrent la même fonction.
En 1246, un
privilège rappelait les possessions de l’Abbaye de Saint-Amand à Escaudain, en
parti-culier une grande curtis, avec l’église, l’exploitation elle-même, la
demeure du maître. L’évêque d’Arras visitait les moines de cette curtis en
1267, 1275, cependant que l’archevêque de Reims l’eût précédé en 1259.
En 1264, on
délimitait les paroisses de Scaudaing et de Sauch et l’acte révélait les noms
de quelques lieux dits : le Hamel (vers Saint-Mark), le Montel (vers
Wallers), le Markisons (vers Denain). La même année, mourait Henri, escaudinois
et Abbé de Saint-Amand. Un autre escaudinois, Nicolas, serait Supérieur de
Saint-Amand de 1410 à 1416.
En 1291, était
rédigé à Escaudain, au lieu « ou on tient les plais communément » un
acte important consacrant un nouveau régime d’exploitation des terres
abbatiales. Le document mentionnait les noms des échevins locaux : Jehans de
Bouchignuel, Thomas Quarious, Gille Gillake, Amourris Moures, Willaume li
Cousturiers, Jehans li Richer, Grars de Sauch. Il désignait aussi quelques
terres : les Camps Potier, dou Viler, Rolet, Curriach. C’est à cette
époque que les valenciennois exerçaient, à Escaudain, l’abattis de maisons.
En 1297,
l’Ostrevant était enfin reconnu de France. Dès 1315, et pendant plus de trente
ans, il serait parcouru par des bandes de malfaiteurs : les Ribauds ou
Pastoureaux. En 1328, le Hainaut, duquel relevait Escaudain, s’alliait à l’Angleterre
tandis que la Flandre prenait le parti de la France. Bouchain, en 1340, était
confiée aux Conrad, chevaliers allemands, chargés de la défendre envers
Philippe de Valois. Contre eux, Louis de Savoie sortait de Douai avec 300
lances et ravageait Escaudain, parmi plusieurs villages.
En 1349, la peste
noire accablait nos populations. En 1350 , Escaudain aurait reçu la visite
de la mère de Froissart, venue signer un acte de donation, en présence du
mayeur et du curé d’Escaudain : J. Brokete et Fournet. En 1372, le
sire de Mastaing cédait à l’Abbaye de Saint-Amand, des terres ahannables sises
à Escaudain, un bois situé à Hornaing, qu’il avait acquis d’Henri de
Beaufort. Ainsi, ce qui restait de l’ancien fief « le mairie
d’Escaudaing » allait grossir le patrimoine de l’Abbaye. En 1393, le
mayeur s’appelait Jehan Legier. Ce serait Degore en 1422.
Après être passé
à la Maison de Bavière, l’Ostrevant était réuni au Hainaut, pour faire partie
des domaines du Duc de Bourgogne en 1436.
DU XVème SIÈCLE AU RETOUR À LA FRANCE
En 1477,Louis XI
se trouvait aux portes d’Escaudain : Saulx était témoin des combats entre
les troupes du roi de France et celles de Maximilien d’Autriche. Escaudain
tombait aux mains des François, pour un moment. Au printemps 1478, notre
village était mis à sac par les soldats de Louis XI, qui reviendraient encore,
vers Noël 1479, piller les maisons et l’église. En 1482, la Flandre et le
Haynaut allaient à la maison d’Autriche. En 1516, le pays passait à l’Espagne,
dont la domination fut très supportable. En octobre 1521, François 1er franchissait l’Escaut et ses troupes
venaient incendier Escaudain. La « rue du Prince » à Saulx
immortalisa longtemps le passage victorieux du fleuve.
Après la peste en
1519, le terrible hiver de 1523, la région était désolée par les luttes entre
les Français et les Impériaux. Puis en 1566 et 1572, les églises étaient pillés
par les Réformés qui, alliés à des patriotes, allaient lutter contre l’Espagne.
Le pays se soulevait, Bouchain était prise par les Français qui répandaient la
terreur dans les villages environnants. La mort de Philippe II entraînait un
calme relatif de 30 ans, au cours duquel l’Ostrevant, dévasté, se relevait.
Mais, dès 1635, revenaient gens de guerre, charrois, réquisitions…
Enfin, en 1676,
Louis XIV prenait Bouchain : la plaine au sud d’Escaudain était le lieu de
meurtriers combats. Nimègue, en 1678, confirmerait la possession de l’Ostrevant
par la France. Il est bon d’ajouter que, durant les deux siècles de domination
austro-espagnole, l’esprit, la langue, les coutumes étaient restés bien
français. Mais le retour de notre région à la France ne signifiait point le
recouvrement de la tranquillité. La Guerre de la Ligue d’Ausbourg renouvelait
le passage ou l’hébergement de troupes en campagne. Ainsi, en mai 1692, le
régiment de Nassau…
ESCAUDAIN EN 1665
Outre l’église,
le presbytère et la grande « Cense à l’Abbaye de Saint-Amand » (au
jardin public), le village groupait, autour de la place, 115
« masnoirs » et comptait plus de 500 habitants. La voie d’Haveluy
était la plus peuplée. Le flègart - chemin herbeux menant à l’église - était
bordé de six demeures. D’impor-tantes fermes, tenues de l’Abbaye, se trouvaient
à l’extrémité de la rue F. Joly et sur la place. De l’une d’elles, qui s’étendait
jusqu’à l’entrée de la rue Jean Jaurès, subsiste la porte charretière,
surmontée d’un pigeonnier, construite en 1664. (coopérative).
Dans la rue
Victor Hugo, il y avait un gué (abreuvoir) et un masnoir de deux mencaudées
appartenant à « l’Hospital », ancienne institution charitable du
Béguinage Sainte Élisabeth de Valenciennes (à la librairie Delforge). Au bout
du chemin d’Haveluy, on trouvait une marlière, précédée d’un « mollin à
wedde », plante tinctoriale, aux environs de l’actuel passage à niveau.
Le village était
entouré par une ceinture de haies qui, vue de loin, en faisait comme une
bastide. Un chemin partait du cimetière de l’église, coupait la rue Paul Bert
pour se diriger droit vers Saulx. La « plache de la Justice » tenait
à Abscon. Le Jardin des Archers était sis rue Paul Bert, avant le carrefour. Le
hameau d’Escaudenœl, limité par les chemins d’Abscon , d’Erre et d’Abscon à
Erre, était relié à l’église par la pied-sente d’Abscon. De nombreuses enclaves
d’Escaudain existaient dans les terroirs voisins. Le bois de Saint Amand à
Hornaing, de même que celui de la Loge relevaient de notre village. Les vaches
allaient paître au marais commun, le long de l’Escaut.
Trois rues
étaient proprement nommées : Verde rue (Barbès), rue du Sacq (Denfert-Rochereau),
rue Lange (Voltaire). La Verde rue mérite une exégèse. On sait, en effet,
qu’autrefois les assemblées populaires convoquées par le Magistrat (ensemble
des échevins) se tenaient au cimetière pour les affaires de paroisse ou sur un
chemin portant le nom de « Verde rue », grün weg allemand, pour les
affaires graves. Les bois de Justice étaient ordinairement installés au nord du
village. Et, en fait, les rues Barbès et Blanqui menaient au Chemin vert -
longtemps appelé chemin du Supplice - dont la source se situe encore au pied de
la fosse d’Audiffret. Par la suite, les lieux de justice furent déplacés. Ils
occupèrent un terrain un peu au-delà de la Cité Marcilly, en face duquel
débouchait le « sentier de la justice » réunissant les lieux patibulaires
à l’église… Quant aux ruelles, celle d’Hélesmes (Gambetta) et Corbau (rue
Marceau) existaient déjà.
Parmi les noms de
terres et de personnes cités en 1665 on retiendra pour les premiers, Bonneuil
(Bonnuet), les Pellenne (les Plans), le Mouchon cousture vers Hornaing et, pour
les seconds, Arnould, Bridoux, Bisiau, Baralle, Carpentier, Collié, Coton,
Deleau, Dewanbrechies, Dufour, Dehennin, Duhen, Dupont, Delille, Desprès,
Delacroix, Delattre, Desfontaines, Fiévet, Fontaine, Flameng, Griffon, Guislain,
Herniquet, Joly, Jonas, Lévêque, Lalleman, Leclercq, Lacman, Liénart, Moné,
Mio, Mollin, Marisal, Macaré, Mahieu, Nortier, Ponlain, Quiquenpoix, Rémy,
Sénéchal,..
LA PAROISSE
Les églises
Saint-Martin pourraient avoir été fondées, après 668, par Saint Éloi qui
évangélisa la région. S’il est malaisé de dater la fondation de celle ci, on
peut lui reconnaître, néanmoins, une grande antiquité. On peut aussi penser
qu’elle dérive de la conversion de la chapelle privée seigneuriale (au jardin public)
avant la fin du 9ème siècle.
En tout cas,
lorsqu’en 1097, l’évêque d’Arras concéda l’autel d’Escaudain à l’Abbaye de
Saint-Amand, celle ci tenait déjà le dit autel en personnat, c’est-à-dire
qu’elle tolérait l’existence d’un desservant, qu’elle n’avait pas désigné, mais
qu’elle présenterait désormais et auquel elle accorderait la portion congrue.
Il est même probable qu’après le rachat de l’avouerie et da la Mairie en 1276
et 1366, l’Abbaye prit à son compte la construction d’une nouvelle église
publique. Cependant que dès 1188, un oratoire dans la « grange »
abbatiale (à l’actuelle ferme Obin, sur la Place) était ouvert à l’intention des religieux et
des travailleurs de l’exploitation.
Toujours est-il
qu’à la fin du 15ème siècle, l’édification de la Tour devait être
commencée pour se terminer vers 1540. Ce beau fleuron architectural, établi sur
quatre arches et dont les angles sont soutenus par deux contreforts, fut
restauré plusieurs fois, en particulier en 1662, 1855 et, près de nous, en 1954
et 1964. La Tour servit, à l’origine, au guet. Elle constitue aussi une
forteresse, qu’entourait un cimetière protégé, où se réfugièrent nos gens,
durant les guerres et les troubles, qui désolèrent notre contrée jusqu’au 18ème
siècle. En 1647, « le pasteur et les gens de loy d’Escaudain »
demandaient même à l’Abbé de Saint-Amand, pour préserver l’église et le clocher
« du péril du feu » d’éloigner le fort, source de danger. La
balustrade originelle de la Tour fut remplacée à la fin du 18ème
siècle. Sa suivante était encore visible avant 1918. La balustrade en pierre
n’est plus, mais une horloge publique s ‘est ajoutée, à la Tour, en 1883,
que complète, depuis 1950, un éclairage électrique.
C’est en 1632 que
l’église actuelle fut bâtie et accolée à la Tour, où furent alors apportés des
détails sculpturaux. L’ église présentait trois seuls piliers et un petit
chœur, qu’on réparait déjà en 1665. Elle fut agrandie en 1783, en même temps
qu’on construisait le presbytère, et en 1867 de deux arcades plus transept et
chœur. Mais ces agrandissements sans méthode donnent à l’ensemble quelque
disparité. Le portail a comporté deux niches avec statues. À l’intérieur, la
chaire, les confessionnaux et des boiseries, production du 16ème
siècle, proviennent sans doute d’abbayes voisines détruites. Les fonts
baptismaux représenteraient ce qui reste d’une des premières églises. La flèche
est de 1626-1670. Avant la Révolution,
il y avait trois cloches. Au-dessus du porche, la fenêtre profondément ouverte
dans la masse rappelle la « bretèque » d’où, autrefois, le mayeur
proclamait les nouvelles intéressant la vie de la communauté. L’église fut même
un lieu de sépulture pour les notables, jusque vers les années 1770. Le
cimetière actuel fut inauguré en 1882.
La paroisse
d’Escaudain fit partie, à l’origine, de l’archidiaconé de l’Ostrevant et du
diocèse d’Arras, auquel elle appartint jusqu’à la fin de la Révolution.
LA GUERRE DE SUCCESSION D’ESPAGNE
À la fin du règne
de Louis XIV, la France est envahie par les Coalisés. En 1709, année du
terrible hiver, des troupes hollando-anglaises sont concentrées à Denain. Peu
de temps avant leur arrivée, une partie d’Escaudain (Quart de six heures) avait
servi de campement à la cavalerie française. En 1711, la région, occupée par
les troupes des deux partis, est rançonnée, pillée. Bouchain est prise le 13
septembre : du 15 septembre au 20 octobre, les Alliés campent aux
environs, en particulier à Escaudain. La plupart des arbres sont abattus pour
servir à la construction du « Chemin de Paris », chemin creux bordé
de palissades et garni de redoutes qui, passant au nord du village, reliait
Marchiennes à Denain. En avril-mai 1712, Escaudain est traversé, à différentes
reprises, par les Alliés se rendant à Neuville. La lutte est proche.
Un jour, la cavalerie
du Comte de Broglie débouche au galop dans la plaine d’Escaudain, aborde le
« Chemin de Paris » à proximité du lieu dit actuel La Couture, y
trouve un convoi de quelques 500 chariots chargés de pain, de munitions et
escortés d’un millier d’hommes, cavaliers et fantassins. L’escorte est
dispersée, le convoi saisi. Marchiennes est coupée de Denain. Villars, à la
tête de la Brigade de Navarre, suit de Broglie. Des dizaines de milliers de
soldats sont répandus dans le giron du clocher d’Escaudain. Ils avancent vers
la ligne fortifiée et s’y engagent à leur tour.
Peut-on dire que,
dès cet instant, sur le sol escaudinois, se trouve inscrite en puissance la
victoire de Denain ? Puis, c’est l’assaut du camp. Et vient la victoire,
qui sauve la France. Cela se passait le dimanche 24 juillet 1712. Après Denain,
des soldats des régiments d’Aunis et du Bavarois cantonnèrent à Escaudain. Ils
participèrent au siège de Bouchain, reconquise le 19 octobre.
ESCAUDAIN RACONTÉ PAR LES REGISTRES DE CATHOLICITÉ DE 1718 À 1789,
ET D’AUTRES DOCUMENTS
Le village compte
plusieurs cabarets-auberges, un sergeant (garde), une sage-femme jurée, un
collecteur (percepteur). Des métiers disparus, on retiendra ceux de batteur en
grange, de muletier, de couvreur en paille, de tondelier, de bourrier, de
tendeur à cailles, de chasseur de moutons, de faiseur de bas au métier.
On se sert
d’allumettes en chanvre, qu’on allume au foyer. On s’éclaire au
« crachet », on brûle l’huile de colza. La pomme de terre n’est pas
encore cultivée. En 1740, la famine règne, consécutive à un très rude hiver.
Vers 1750, éclate une épidémie due, dit-on, à la canalisation de l’Escaut. Vers
1765, une brigade de cavaliers (maréchaussée) avec brigadier, sous-brigadier,
réside à Escaudain. Elle y demeurera jusqu’à la Révolution.
Les tisserands
sont nombreux. Le médecin manque : en attendant l’arrivée de Bernier en 1790, on
fait appel aux « chirurgiens » d’Abscon et d’Hornaing. À la grande
Ferme, on peut admirer un pinsonnier avec de multiples loges. Une brasserie
fonctionne. Des chasse-manée et mouleurs de farine travaillent pour le Moulin
d’Escaudain (au bord de l’Escaut). Plusieurs vitriers suisses, un colporteur
d’origine normande sont installés au village, qui abrite encore un arpenteur
juré et la masse des travailleurs de la terre.
Autour des
grandes fermes se meuvent les laboureurs (cultivateurs moyens), les ménagers
(petits propriétaires), les manouvriers. La plupart des cultivateurs n’ont
point de chevaux. On cultive le blé, le soucrion, la pamelle, les pois, … De
juin à septembre, trois grands troupeaux de moutons vivent aux champs, sous la
houlette des bergers, gens considérés. Jusqu’aux alentours de 1774, le guetteur
allume, le cas échéant, le fanal du clocher. En 1779 et 1781, soufflent sur
Escaudain et la région, de dévastateurs ouragans.
Les mendiants
sont nombreux, organisés en bandes de trois ou quatre. Un marchand de tabac et
de sel est désigné. Le maréchal-ferrant est aussi vétérinaire. Seul, le chemin
de Douai à Valenciennes est partiel-lement pavé. Des waréchaix s’étendent rue
Paul Bert, Victor Hugo, Ledru-Rollin. Le village n’est pas bien délimité :
plus de 180 mencaudées sont imposées au dehors. Les mulots pullulent.
En 1788, le
mauvais temps entraîne la disette. Et, dès mars-avril 1789, le mécontentement
populaire se fait jour. En juin 1789, les paysans d’Escaudain prennent une
digue élevée à travers le marais commun (entre Escaudain, Lourches, Neuville,
Rœulx). Vers le 19 juillet, la prise de
la Bastille est connue.
Escaudain groupe alors
environ 700 habitants, dont certains portent les noms de Moreau,
Largillier, Germain, Laude, Bauduin, Bourez, Dubois, Kinnivet, Drut, Louvion,
Vastra, .
TERRITOIRE ET TERROIR
Au début du 9ème siècle,
notre village accusait déjà, en tant que groupement rural, quelque ancienneté.
Les chemins de Douai à Valenciennes et de Saint Amand à Neuville le
traversaient. Une villa (exploitation agricole) en constituait le pôle. Puis,
cette villa carolingienne se transforma, se divisa en manses (unités d’environ
14 hectares). Mais, le fonds carolingien subsista, qui deviendrait probablement
la curtis (de quelque 325 hectares) de Saint Amand.
Quoi qu’il en soit, en 847,
Escaudain et Saulx étaient compris dans la mense conventuelle (patrimoine des
moines) gérée par un prévôt. Cette distinction serait moins rigide vers le 12ème
siècle, la mense abbatiale (celle de l’Abbé) et la conventuelle
s’interpénétrant. En tout cas, des moines ouvriers séjournèrent à Escaudain et,
en 1246, la grande curtis, avec l’église, l’exploitation, la demeure du maître,
provenait sans doute de la mense conventuelle. Auparavant, vers le 12ème
siècle, des parts prélevées sur la réserve seigneuriale avaient été distribuées
à des censitaires (soumis au cens).
C’est vraisemblablement à la fin du
13ème siècle, qu ‘à l’exploitation directe par l’Abbaye se
substitua la « court » louée à un censier. Les premiers baux connus
ne sont toutefois que du 16ème siècle, époque où la court
d’Escaudain comporte environ 300 hectares, cependant que l’Argenterie (service
de l’Abbaye qui recueille les deniers publics) exploite une cense de 35
hectares. Le cens était ordinairement payé à la Saint Rémy.
Gravitant autour de la court,
censives, fiefs, alleux représentaient diverses formes de possession de la terre.
À l’origine, le fief, de caractère noble, fut une concession gratuite contre
service de guerre et de plaid, mais dès le 12ème siècle, les fiefs
tenus de Saint Amand se trouvèrent aussi affectés d’une redevance. On en compta
plusieurs à Escaudain consistant en terres et même en droits, tel que terrage.
L’alleu était terre franche de toute servitude.
Outre la réserve (la court), les
censives, la Seigneurie de Saint Amand à Escaudain comprenait encore un marais
et un waréchaix, qu’évoque une « Charte » de 1459. cette charte
édicte, entre autres mesures de police, les précautions à prendre à l’égard des
cheminées, l’interdiction de jouer aux dés, l’obligation de tenir, devant sa
porte, un récipient rempli d’eau, de faire usage d’un baril-étalon et de balances
déposés à la maison du mayeur ..
En 1372, G. de Jauche-Mastaing
cédait à l’Abbaye des terres et 48 bonniers de bois à Hornaing (Bois de la
Loge), qu’il avait acquis de Henri de Beaufort. Saint Amand reconstituait
ainsi, à son profit, l’ancien fief de la Mairie d’Escaudain. Mais, d’autre
part, aux 13ème et 14ème siècles, l’Abbaye fut contrainte
de morceler son domaine. De telle sorte que si, au 17ème siècle, la
majeure partie des terres lui appartenait toujours, de petites seigneuries (où
l’Abbé possédait les droits de justice) se partageaient, avec d’autres abbayes,
des églises et cures, une fraction de notre terroir. Le reste (terres
roturières) était aux mains des habitants.
Alors, les quatre grands fermiers
étaient établis rue de Neuville, rue de Mastaing, sur la Place. Les Petit (à Escaudain, vers 1628) en furent. Ils
étaient apparentés aux Norman, lesquels
l’étaient aux Vairet (vers 1650). Aux Norman succédèrent, en partie par le jeu des
alliances, Desfontaines, puis les Tréca (1748). Avec Ildephonse
Tréca, disparurent les Fermiers de Saint Amand. Toutefois, après la
révolution, de grosses fermes étaient encore dirigées par les Tréca, remplacés en 1851, par la famille Cartigny. Ajoutons qu’avant 1789, en dehors des
censiers de l’Abbaye, il y avait quelques exploitants importants, dont les Cachera.
On peut dire qu’au 17ème
siècle, 400 hectares environ étaient cultivés au bénéfice de Saint Amand, dont
une quinzaine de grandes terres allant de 8 à 24 hectares. Les petites
seigneuries monopolisaient une centaine d’hectares : celle du Mur, de
Prémont, de Selle, de Warlaing, de Rame, d’Azencourt, ..Mises à part l’Abbaye
de Saint Amand, l’église et la cure d’Escaudain, l’ensemble des possessions
ecclésiastiques s’élevait approximativement à 140 hectares , où
s’inscrivaient notamment le Béguinage de Valenciennes, les Abbayes de
Fontenelle, d’Anchin, de Marchiennes, de Flines, de Denain. Les parcelles
paysannes totalisaient moins d’une centaine d’hectares. Si bien que sur 1 060
hectares de terres labourables, un peu plus de la moitié relevait de Saint
Amand (terres possédées ou concédées par l’Abbaye). Exception faite de ses propres
terres, l’Abbaye percevait, sur la plupart des autres, la dîme et le terrage.
Avant 1291 en effet, les terres d’Escaudain devaient fournir la troisième
gerbe. Puis elles furent soumises à la dîme (huit gerbes du cent) et au terrage (quatre gerbes sur cent). Après
le faire-valoir direct, la dîme fut confiée à un censier, à ferme : les
gerbes allaient dans la Grange (jardin public).
Au 17ème siècle, notre
territoire couvrait plus de 1 200 hectares. Il poussait des antennes jusqu’à
Hornaing. Il essaimait des enclaves dans les terroirs voisins. Une quinzaine de
chemins et sentiers en permettaient la mise en valeur. Mais ce n’est qu’en 1710
qu’il eut son moulin, élevé presque en face du cimetière actuel, par les soins
de l’Abbaye. Il a disparu. Mais, avec l’église et le presbytère, subsistent de
la longue période où l’Abbaye de Saint Amand exerça sa tutelle sue
Escaudain : la ferme dite de M. Émile,
la partie ancienne de l’Hôtel de Ville (1771), la maison de la Coopérative
l’Économique (1758) où mourut l’Abbé d’Hasnon, Dom
Lernould, en 1785, quelques immeubles voisins de l’Hôtel des postes, des
souterrains, tel celui qu’on trouve sous l’habitation de M. Maurice Sauvage, dont l’origine, cependant, est
incertaine, quelques pierres marquant les limites du terroir, ..
Comment se présentait la vie rurale
autrefois ? D’abord, jusqu’au 18ème siècle, on laissa la terre
se reposer une année sur deux ou trois. La vaine pâture permettait aux
habitants de faire paître leurs troupeaux, après la moisson. Longtemps, la
fiente de mouton constitua la fumure la plus recherchée. Vers 1750, on cultiva
trèfle, sainfoin et luzerne. Dans les petites fermes, la brique et la tuile
étaient à peu près méconnues. Les bergers étaient bien rétribués.
La Révolution bouleversa la
structure agraire du village. Après la délimitation de 1806-1810, qui lui
enlevait les bois de Saint Amand et de la Loge, des terrains au nord et
diverses enclaves, le territoire d’Escaudain, en 1810, correspondait à peu près
aux 762 parcelles de terre labourable et 127 unités agricoles (habitation et
terres) du 17ème siècle. En 1810, on attribuait au village environ 1
531 parcelles, dont 210 pour l’agglomération. La Révolution accentua donc la
division du terroir en augmentant de 70 % le nombre de parcelles. Des terres
donnèrent naissance à de petites parcelles, d’autres restèrent intactes,
plusieurs firent l’objet de regroupement : ce qu’explique l’influence,
qu’ont exercée sur la vente des Biens nationaux, la réaction des paysans, la
promulgation et l’abrogation successives des lois régissant cette vente, le
mode d’adjudication, la spéculation. Les grandes terres de l’Abbaye - celles qui
formaient le principal des grosses fermes - furent peu atteintes par le
démembrement. Celui-ci affecta plutôt les terres moins importantes des
établissements religieux voisins, au profit des cultivateurs moyens. Les biens
des cures, fabriques et pauvres, faits surtout de petites terres, échurent en
général aux paysans. Des 518 hectares 9 vendus nationalement, ces paysans en
avaient acquis environ 95 hectares contre 423 hectares passés aux bourgeois
roturiers. Et quand , au début du Premier Empire, Escaudain couvrait 1 023
hectares, les fermes qui autrefois exploitaient plus de 40 hectares, avaient
cédé la place à d’autres, plus nombreuses de 10 à 40 hectares.
La confrontation des structures
agraires du village en 1810 et 1851 aboutit à cette large conclusion :
après la Révolution, en dehors de l’agglomération comptant quelque 210
parcelles sous forme de jardins ou champs,
le terroir proprement dit se trouvait compartimenté en 1 321 pièces. En
1851, le nombre de parts était de 1 349 : la transformation du terroir
n’avait donc guère varié. Par contre, le centre du village qui, en 1810, avec
150 maisons et une soixantaine de bâtiments ruraux, comportait environ 400
numéros cadastraux, devait en accuser 727 en 1851. C’est qu’entre 1810 et 1851,
le nombre de maisons s’était élevé à 323, avaient été comblées les cases vides
de l’aire habitée, crées les corons Saint-Mark et Jennings, allongées les rues
Danton, Jaurès, Desmoulins et qu’Escaudain réunissait 2 028 habitants contre
900 en 1810. et la surface des propriétés bâties de 5,16 hectares en 1810
montait à 7 hectares en 1832 et 9 hectares en 1851.Cependant que celle des
terres labourables commençait à s’amenuiser, puisque de 982 hectares en 1830,
elle descendait à 957,67 hectares en 1851….
Le morcellement du terroir allait
s’amplifier sous le Second Empire et la Troisième République. De 1 349 parcelles de terres en 1851, on se
haussait à environ 2 000 à la veille de la guerre 1939, avec 4 921 numéros
parcellaires pour l’ensemble de la ville, dont environ 2 900 habitations.
Depuis 1940, l’évolution de la texture cadastrale d’Escaudain ne s’est pas
ralentie. Quant au territoire, de ses quelque 1 225 hectares d’avant 1789, il
faut déduire 133,50 hectares occupés alors par les Bois de Saint Amand et de la
Loge, 98 hectares représentent les « enclaves », pour connaître sa
superficie après la Révolution, soit environ 994 hectares, plus l’ancien marais
commun de 47 hectares attribué à Escaudain, c’est-à-dire 1 041 hectares. Mais,
en 1843, Escaudain abandonnait à Lourches
89,72 hectares situés au sud de la Cité Schneider et recevait, en échange,
72,37 hectares, où sont installés les hauts fourneaux et la Cité des Forges. La
superficie de notre village se ramenait donc à un peu plus de 1 023 hectares
nombre valable encore en 1951. Actuellement,
Escaudain s’étendrait sur 997 hectares, 11 ares, 53 centiares, dont
quelque 350 hectares cultivés (150 en blé, 90 en betteraves, 30 en pommes de
terre). Des lieux dits sont toujours
évocateurs d’un lointain passé : Bonnuel, Hameau, La Justice, Le Chemin
Vert, une série de toponymes à valeur agraire, dont les Six Mariannes, à
l’origine, les six mencaudées à Marianne. Le quart de six heures est nom plus
récent : il vient de l’enseigne d’un estaminet du début du siècle.
SOUS LA RÉVOLUTION - La Constituante - La Législative - La
Convention
Le 31 mars 1789, les Escaudinois
s’assemblent pour élire deux délégués chargés de rédiger les cahiers de
doléances. Ces délégués se joignent peu après, à Bouchain, à ceux des autres
villages de la Châtellenie. En novembre, les biens de l’Église sont confisqués.
En février 1790, une nouvelle municipalité est élue. Elle comprend un procureur
de la commune, un secrétaire-greffier, six officiers municipaux, des
notables ; Ildephonse Tréca reste maire,
mais les élections de novembre 1790 le chasseront du pouvoir.
En 1791, l’Abbé Milot, réfractaire, est remplacé par Verniolle, curé constitutionnel. La municipalité
nomme Ch. E Consil clerc-instituteur. Il
enseignera un moment au presbytère, après la vente des biens nationaux,
commencée à Escaudain le 22 août 1791. Les assemblées électorales se tiennent
dans l’église. Après le 20 septembre 1792, le pouvoir d’état civil passe aux
communes. En novembre, des élections désignent Ph.
Villette comme maire. Il a pour collaborateurs actifs : P.G. Caulier , J. Caulier, Consil, Verniolle
secrétaire-greffier, P.J. Dupont, Ph. Bisiau.
Les « patriotes » triomphent : on plante un arbre de la Liberté
(place Condorcet).
Le 7 avril 1793, les troupes
françaises sont dans la région. Le 23, elles se replient. En mai, Escaudain est
occupé par les Autrichiens. Ils y resteront jusqu’en août 1794. Verniolle s’enfuit, la municipalité jacobine aussi
et encore les acquéreurs de biens nationaux. C’est l’exode. L’Abbé Milot reparaît du 11 mai 1793 au 18 juin 1794,
puis il émigre. L’arbre de la Liberté est abattu. Le drapeau jaune et noir avec
Aigle double d’Autriche flotte au clocher, au presbytère. Mais, les
réquisitions vont se succéder et les haines se déchaîner. C’est l’imbroglio.
En avril 1794, des engagements ont
lieu entre troupes autrichiennes et françaises, vers Bouchain. En août, la
région rentre aux mains des Français. À l’approche de ceux-ci, les
« compromis » ont fui : nouvel exode. Leurs maisons sont pillées.
L’église est fermée. Les représailles exercent leurs ravages. On réquisitionne
les cloches, l’argenterie de l’église, le cuivre, ailleurs. Les
« patriotes » reviennent, mais dès février-mars 1795, ils perdent
leur influence. Les journées de germinal-prairial les chassent, d’ailleurs, des
administrations. Le 20 juillet 1795, le représentant du peuple en mission met
18 Escaudinois en réquisition, pour constituer une autre municipalité avec J.B. Desmons comme maire. Cependant, le 13
fructidor (5 septembre), l’Administrateur du District vient en la maison
commune d’Escaudain, y réunit le conseil général, qui s’oppose à cette
installation : Villette conserve ses
fonctions.
La matrice de l’emprunt forcé de
novembre 1795 révèle qu’il y a alors, à Escaudain, 128 contribuables : 32
sont imposables, désignés - semble t-il - avec peu de discernement. La matrice
fixe, d’autre part, le capital représenté par les biens acquis depuis la
Révolution. P.J. Tréca avait acheté la ferme
(au jardin public) de son frère, suspect pour avoir accepté des fonctions
publiques pendant l’occupation. En octobre 1795, nouvelles élections
municipales : elles ramènent des mesures d’exception. Toutefois, les temps
troublés, les consultations électorales réitérées engagent les gens à une sage
neutralité.
LE DIRECTOIRE
La Constitution de l’an III avait
accordé grand pouvoir à la bourgeoisie rurale. À mesure que les événements se
déroulent, chaotiques, les positions sont moins tranchées et s’effectue un
amalgame entre « purs et modérés ». Villette
est encore là, quand le 18 janvier
1796, Poncin, ancien constituant, déclare : « La municipalité
d’Escaudain va mal ». Traduisons : elle est plutôt
« aristocrate ». cette année là, le maire fait bâtir une maison,
toujours existante, rue Victor Hugo. Dans un mur de la cave, il scelle une
pierre, disparue en 1914, dont l’une des faces représentait l’Aigle d’Autriche,
l’autre portant cette inscription : « Villette,
an 4 de la République ». La pierre datait de l’occupation
autrichienne ; le maire « jacobin » s’en était servi pour
marquer le triomphe de la Révolution. En 1796 aussi, Escaudain passe dans
l’arrondissement de Douai. Les élections - encore - de 1797 conduisent de plus
en plus les modérés au pouvoir. On fête de nouveau la dédicace, la ducasse de
juillet. Mais, le 18 fructidor redonne l’autorité aux républicains. L’église
est transformée en lieu de réunion, en magasin. Elle sera sauvée, en l’an VII,
bien que « adjugée 113 000 au citoyen Beaumont
de Douai ». Mais elle se délabra jusqu’au Concordat.
En 1798, les jacobins reprennent
quelque influence. On épure encore les municipalités, où demeurent ceux dont la
« science » les rend indispensables à la collectivité. Consil poursuit sa carrière, Villette l’accompagne avec le concours de N. Jonas et d’un nouveau venu F. Dupont. En 1799, les scrutins sont plutôt
favorables aux modérés. On marie les Escaudinois à Bouchain, dans la salle où
se célèbrent les décades. Et le 18 brumaire est accepté par les citoyens lassés
par tant d’années confuses.
S’il fallait résumer l’histoire de
l’administration révolutionnaire à Escaudain, on dirait que l’esprit jacobin y
fut représenté par Villette, Ph. Rigaut, C. Dubois,
Bisiau, Verniolle, P.G. Caulier, que Consil
fut indispensable à toutes les tables édilitaires et, qu’à partir de la
Constitution de l’An III on assista au mariage des tendances ou à la
prédominance des modérés.
AU TEMPS DU CONSULAT ET DE L’ EMPIRE
En 1800, P.J.
Tréca est maire désigné par le Préfet. L’Abbé Milot
reprend la cure en 1801. L’église est rouverte. À la fin du Consulat, elle est,
avec le cimetière, propriété communale. Vers 1805, on édifie une chapelle sur
la Place. En 1804, Escaudain a son percepteur-greffier : F. Dupont. Le village compte alors 145 maisons,
164 ménages.
Le plan cadastral parcellaire de
1810 montre 166 bornes marquant l’enceinte de la commune : le n° 1 entre
Erre et Hornaing. Quelques unes de ces bornes sont encore debout. Elles sont en
grès, une face gravée aux lettres ECD, l’autre portant une petite crosse,
ancien symbole de la propriété abbatiale de Saint Amand. On distingue sept
fermes importantes. En 1810, les rues ne sont pas encore pavées. Les chemins
sont larges : Hélesmes et Douai 25m, Neuville 20m. La rue Monjour (Danton)
est tortueuse. La rue Victor Hugo s’appelle rue de l’Hôpital. La place couvre
80 ares. La rue de l’Église est la plus peuplée : 30 maisons contre 5 seulement
rue Delfille (Paul Bert). Le salpêtre est précieusement récolté.
En 1811, on construit un presbytère
(habitation de l’école Sévigné). Le garde-champêtre est rétribué par la
commune : 300 francs par an. À cette époque, des soupes sont distribuées
aux indigents, les mendiants porteurs de passeports reçoivent 30 c par
myriamètre. La betterave est timidement cultivée le long des principales routes.
La pomme de terre est connue. Les deux tiers des habitations d’ Escaudain
restent couvertes de chaume. Le chien et l’âne traînent de petites charrettes.
Le conseil municipal est fort de 10 membres : aux renouvellements de 1808
et 1813, P.J. Tréca est confirmé maire. En
1814, Laderrière est vétérinaire sorti
d’Alfort et le village abrite une brigade active de six douaniers.
Le hasard des guerres donne une
lointaine et anonyme sépulture à des « grognards » d’ Escaudain, qui
offre, en outre, un héros à l’Empire : Ildephonse
Tréca né en 1785, fils du mayeur. Entré aux Vélites de la Garde en1806,
il fait la campagne de Prusse. Sous-lieutenant en 1803, il se signale en
Catalogne. Chevalier de la Légion d’Honneur, il est blessé près de Barcelone en
1809. Deux chevaux sont tués sous lui en 1810. Lieutenant au 7ème
Cuirassiers, il abat, bien que blessé, un général russe et fait prisonnier
quatre officiers , qu’il présente à Napoléon, à qui, d’autre part, il
annonce le succès de nos armées sur la Bérézina. L’Empereur le nomme capitaine et lui remet personnellement la
croix d’officier en 1813. Après la retraite de Russie, Tréca est à Hambourg. Il
rallie Napoléon durant les Cent Jours et prend part à la charge légendaire du
Mont Saint Jean. Il regagne ensuite son village où, suspect aux Bourbons, il
attendra jusqu’en 1823 pour retrouver un emploi dans l’Armée. Mais il meurt à
Escaudain cette même année, avant d’avoir pu rejoindre son poste. Son corps
repose derrière l’actuel Monument aux Morts.
SOUS LA RESTAURATION
Après Waterloo, une partie de nos
troupes venant d’Avesnes passe dans la région. L’occupation commence à la fin
de 1815 par des Hanovriens d’abord, des Danois ensuite. Certains soldats
occupants logent sous des tentes entre Escaudain et Rœulx. La récolte de 1816
ayant été mauvaise, on voit des groupes de femmes et d’enfants errer de village
en village. Le 15 octobre 1817, des troupes d’occupation sont passées en revue
à Denain : il en vient de Saint Omer, qui traversent Escaudain. En
novembre 1818, le contingent danois quitte le pays.
En ce temps là, le sucre est encore
rare, le sommier métallique inconnu. À cet égard, l’inventaire des biens
meubles possédés par un riche fermier de la rue de l’Hôpital comprend entre
autres : quatre chevaux, trois vaches, un chariot, une herse, un binois,
un rouloir, un moulin à vanner le blé, un tournoir à battre le beurre, un
miroir, un baromètre, vingt quatre chaises, dix assiettes en étain, dix plats
et trois pots de même, un poêle et ses buses, des pincettes, une pelle à feu,
un tisonnier et chenêt, un poêlon en cuivre, une marmite, une casserole, un
chandelier de même, un pétrin, des ustensiles du four, six tonneaux à bière,…
En 1829, la brigade de douaniers
d’Escaudain comprend un lieutenant, un sous-lieutenant, des préposés. Des
enfants abandonnés et portant des colliers avec numéros sont confiés à des
femmes du village. Un facteur rural du Bureau de Bouchain est domicilié à
Escaudain. Célestin Tréca est maire, depuis
qu’il a succédé à, son oncle Pierre-Joseph
décédé en 1816.
LA MONARCHIE DE JUILLET
Les autorités municipales prêtent
serment de fidélité au Roi. Un établissement de charité procure aux chômeurs,
des travaux d’entretien des routes. Le cens électoral - en 1830 - descend de
300 francs à 200 francs : la majorité des Escaudinois ne peut, cependant
voter. Une garde nationale est organisée. L’Abbé Rémy
est curé, Godefroy garde-champêtre et Dupont, percepteur. Le courrier est acheminé ou
distribué tous les deux jours, par le Bureau de Bouchain.
En 1832, Escaudain groupe 1 130
habitants, dont 300 indigents et 20 mendiants. Le colza et le lin sont toujours
cultivés. Une brasserie (ruelle Gambetta) et une briqueterie sont en activité,
alors que le choléra fait 50 victimes. L’année 1833 voit l’ouverture de la Fosse
de Saulx. En 1834, la sucrerie Gosselin (rue
Victor Hugo) est inaugurée ; elle sera fermée vers 1898, après avoir été à
l’origine de la création du chemin joignant la rue Camille Desmoulins à la rue
Victor Hugo. Le curé est l’Abbé Lefebvre,
222 habitants sont gardes-nationaux, 110 électeurs municipaux. Hernequet est garde-champêtre en 1837.
Le train « d’Anzin » passe
à Escaudain en 1839. Le Barbier est le
nouveau percepteur en 1840, cependant que Gosselin
devient maire et que G. Baligand se
distingue à un concours, en labourant 7 ares à 17 cm de profondeur en 1 heure
10. La route d’Hélesmes à Neuville, via rue Paul Bert, est toujours remplie
d’ornières. Le 31 mai 1840, on inaugure la Chapelle aux Quatre Chemins :
elle sera démolie en 1914-1918. C. Lehut,
Chevalier de la Légion d’Honneur, est garde en 1841. Le Coron Jennings (Élise)
est habité par des familles de mineurs. Ceux-ci gagnent de 60 à 70 francs par
quinzaine, le kilogramme de viande valant un franc. Le peuple sympathise avec
la nation polonaise opprimée : un Escaudinois prénomme son fils Venceslas Ladislas Stanislas. On constate les
décès à domicile. Des enfants colportent du tabac de cantine. Le pavage des
chemins préoccupe les autorités.
En 1842, Escaudain est peuplé de 1
621 habitants. En 1843, Lourches et Escaudain, répétons-le, se partagent le
territoire de Saulx : dès lors, notre village ne touche plus à l’Escaut. J.B. Cartigny est maire en 1844 et Pertuzon est nommé deuxième garde. La perception
d’Escaudain (place Condorcet) a, dans son ressort, Abscon, Hélesmes, Lourches.
En 1845, le Bureau de postes de Denain dessert Escaudain. En 1846, on trouve
deux brasseries sur la Place, Cartigny et Laderriere. Herbez
est garde-champêtre en 1847. L’indus-trialisation des années précédentes
engendre la surproduction, génératrice de misère. Le kilogramme de pain passe
de 0,52 franc à 0,65 franc en trois mois : 1848 est en vue.
LA SECONDE RÉPUBLIQUE
Le 23 mars 1848, le maire est
révoqué. P. Laderrière le remplace
provisoirement, Leveugle étant vice-président.
En avril, on plante un arbre de la Liberté, sur la Place de la République
(Condorcet). Cartigny reprend ses fonctions
de maire le 13 août. Il y a 450 électeurs et les ouvriers sont admis dans la
garde nationale. Le 29 novembre, cette garde , le clergé et les habitants,
réunis « place de l’Église », entendent la proclamation de la
Constitution. Un Te Deum s’ensuit. En avril 1848, C.
Dhénain est désigné comme garde. Les mineurs sont nombreux. En décembre,
le docteur Démoutiez remplace, pour les indigents,
le docteur Brabant. Les timbres font leur
apparition à partir du 1er janvier 1849. Le 9 mars, un accident
mortel survient à la Fosse de la rue d’Haveluy. Le 20 avril Mlle Belin est nommée institutrice au traitement
annuel de 200 francs, plus 150 francs
pour le logement. On installe des briqueteries. En juin, sévit le choléra. En
juillet, un supplément de traitement est accordé au curé, qui percevra alors
250 francs. En novembre, on décide que les enfants indigents iront à l’école,
aux frais du Bureau de Bienfaisance.
En 1850, on répare l’aqueduc sur la
place. On vend la boue des abreuvoirs. Des ouvriers prestataires travaillent
deux jours sur les chemins. Ceux-ci sont rétrécis en largeur et l’on vend les
134 parcelles devenues inutiles. En mai, on installe une chaudière à la Fosse
de la rue d’Haveluy. En 1851, la chapelle élevée à l’emplacement du rond-point
actuel, est abattue. Le 7 janvier 1852, on distribue pain et viande, en
l’honneur de l’élection présidentielle. En 1852, le groupe communal (mairie et
écoles) de la place est terminé.
L’ EXPLOITATION DE LA HOUILLE ET SES INCIDENCES
Les premiers forages se font, sur
notre territoire, en 1776. Des lettres patentes de 1787 approuvent la
convention entre la Compagnie d’Anzin et l’Abbaye de Saint Amand , pour
extraire la houille sur Escaudain. Mais, la Fosse Saint-Mark n°2 est de 1887.
Le puits Jennings est en service de 1837 à 1861, la Fosse d’Escaudain (à
l’emplacement des Usines Lempereur) de 1838
à 1855, Élise de 1851 à 1867, Rœulx de 1854 à 1938, d’Audiffret de 1880 à 1957,
la Cuvette de 1886 à 1941 comme puits de secours et d’aérage.
Au début, on n’élève point de
terrils : avec les schistes, on remblaie les chemins. Le charbon est remonté
dans des tonneaux cerclés. Les ouvriers descendent à l’échelle, les cages
n’apparaissent que vers 1880. Les eaux sont épuisées grâce à des pompes mues
par des manèges à chevaux. En 1830, le mineur porte veste et pantalon, simples
et en toile blanche. Il chausse des sabots. Son chapeau a de larges bords. En 1900,
ces derniers sont moins larges. La veste s’est transformée en blouse. Les pieds
sont souvent nus.
C’est à la houille qu’Escaudain doit
son développement, sa poussée démographique, le bouleversement de son ancienne
physionomie. En 1830, sur 1 038 hectares, 982 sont en terres labourables.
S’activent un moulin à blé, onze mulquineries et plus de cent fermes. Presque
toute la population vit de l’agriculture. En 1930, environ 650 hectares sont
cultivés et il n’y a plus que 30 fermes. Entre ces pôles, notons : en
1851, sur 2 028 habitants, 1 043 sont tributaires de l’agriculture, soit 50 % ; en 1856, sur 2 112 habitants,
608 vivent du « sol », soit 29 % ; en 1861, le pourcentage est
stationnaire (812 sur 2 635) ; en 1866, il s’abaisse à 21 % : sur 2
720 habitants, 1 302 sont redevables des mines, 585 des champs. La prédominance
de l’activité industrielle ne va plus cesser de s’affirmer. Remarquons aussi
que de nouveaux noms patronymiques sont venus, grâce à la houille, enrichir les
registres d’État civil, depuis 1830, tels Parisse,
Lempereur, Bizet, Wattelet, Lebon, Risbourg, Chotteau, Debay, Soleil, Brabant,…
LES ÉCOLES
Avant 1789, Michau
clerc cléricant tient une « école de charité ». en 1792, Consil aurait été le premier instituteur public.
Vers 1803, Danglo ouvre une école mixte.
Après l’ordonnance de 1816, C. Laude,
briquetier intelligent, en dirige une, rue Verte (Barbès), de même que Largillier. Ces dernières sont privées, la Charte
de Guizot (1833) n’étant suivie d’application que plus tard. H. Laude remplace son père et ne reçoit que les
garçons. Les filles vont chez Augustine Laude
avant 1843. Il n’y a de véritable école de filles qu’avec Mlle Belin, nommée institutrice communale le 1er
juillet 1849.
En 1852, les écoles de la Place (en
face de la rue Victor Hugo) sont ouvertes : une pour garçons, une pour
filles, une salle d’Asile. L’institutrice reçoit, de la commune, un traitement
annuel de 600 francs. On a construit un puits fermé, divisé le grenier du
personnel, installé un clocheton d’appel. Les élèves indigents sont reçus
gratuitement. Les paysans sont soumis à un tarif : 1,25 franc par mois
pour quatre disciplines. En 1878, il y a deux instituteurs-adjoints : MM. Léchevin et Mathieu.
En 1881, ils sont trois : MM Potez, Rauwel,
Lecocq, les deux adjointes étant Mlles Bavay
et Richard. En 1883, les locaux de l’école de filles sont affectés à une
école maternelle, qui ouvrira sous la direction de Mlle Wacal, suivi de Mlles Lemaire,
Bussy, Gilleron.
On avait commencé à construire
l’école des garçons (rue F. Joly) en 1879. On crée une école enfantine à
Saint-Mark en 1886. Après Mlle Belin, la
direction de l’école des filles est confiée successivement à Mlles Deltour, Bricout, Bracava. En 1894, cette école
(toujours sur la place) comprend trois classes dont une à l’étage. Chez les
garçons, à H. Laude succède M. Villerval, puis M. Duhamel
en 1898, alors que 260 élèves sont répartis en trois classes. Et viennent entre
autres, MM Dauphin, Duez, Siefert, Bruyelle,
Cagneaux, Ruelle, Rousseau.
Actuellement, la carte scolaire
d’Escaudain comporte des groupes au centre, au Quart de Six Heures, à
Saint-Mark, aux Six Mariannes, à la cité du Maroc, près de la cité Schneider.
Des instituteurs d’Escaudain sont morts au cours des guerres 1914 et 1939 :
M. Cabut, R. Laurette devenu professeur, R. Simon.
VERS 1851
On rétrécit les chemins . On abat
les arbres le long de la route de Douai. On creuse 4 km de fossés dans le
village. Le 16 septembre 1850, un incendie détruit six maisons, rue de l’Église
et laisse 38 personnes sans abri. Le duc d’Arenberg accorde un secours de 150
francs. Des douaniers résident toujours à Escaudain. En novembre 1850, sur 871
inscrits, 165 électeurs prennent part au vote pour le remplacement de Wallon.
En 1851, une douzaine de maisons, sur 363, ont un étage et une sur six est
couverte de chaume. Résonnent trois forges, tournent deux moulins (le dernier
né rue Ledru-Rollin), se louent 800 personnes pour les travaux de la terre. La
lampe à pétrole est apparue. On rencontre deux boulangeries, deux brasseries.
Le marchand de tabac officie sur la place, le marchand de moutarde, rue Monjour
(Danton). On trouve des « cavaliers » de profession. Le médecin
habite à l’entrée de la rue du Faubourg, qui compte aussi le tonnelier. La rue
de l’Hôpital revendique les bourrelier, meunier, menuisier, marchand de lin et
la Sucrerie. La rue Verte possède un revendeur italien : Rossi. Dans la
rue de l’Église, on peut désigner un boucher, un géomètre, la grande ferme d’A. Cartigny. Tandis que le presbytère est sis rue
Delfille (Paul Bert), de même que l’importante ferme de la veuve Tréca, l’actuelle maison curiale est occupée par le percepteur.
Des écarts sont peuplés :
Saint-Mark, Corons Jennings, le Forage (chemin d’Abscon). Un gros propriétaire
foncier, Deverdière, avocat, possède près de
100 hectares. D’autres terres appartiennent au Chevalier
de Magny, au Baron Moracin, à Thieffry de Layens, Lepas de Beaulieu, Cordier de
Raucourt, Chevrigny de Maingoval. Les rues sont encore larges : rue
d’Abscon (entrée) 23 m, rue de la Gare 21 m, rue Delfille 20 m. On va à la
pharmacie de Bouchain à pied. Le bétail se baigne ou se désaltère dans huit
abreuvoirs dont sept publics : deux, rue de l’Église, les autres sur la
place, rue Victor Hugo, place Blanqui, rue Camille Desmoulins, rue Jean Jaurès,
à l’entrée de la rue Barbès.
LE SECOND EMPIRE
Le 5 décembre 1852, on se réunit sur
la place pour entendre la proclamation de l’Empire. L’ arbre de la Liberté,
abattu, est distribué par morceaux aux pauvres. Le calvaire (route de Denain)
est édifié en 1853.
Le sonneur annonce la retraite tous
les jours. Gratpanche est deuxième
garde-champêtre. Le docteur Nutte remplace
son confrère Démoutiez. La typhoïde sévit
durement en 1854. On exige l’enlèvement des fumiers trouvés devant les maisons.
Le curé est l’Abbé Tison. On installe deux
nouvelles briqueteries, une fabrique de chicorée. On ouvre la verrerie de
Saint-Mark.
En 1855, 24 enfants meurent de la
rougeole. Le nouveau tracé des chemins d’Haveluy et d’Hornaing est réalisé et les rues ont maintenant une largeur
convenable. Sur 21 conscrits, 14 ne savent pas signer. La ligne Somain-Busigny
est en construction : elle sera exploitée le 15 janvier 1858. Le niveau
des rues est relevé de 0,50 m, par remblais, en 1856, alors qu’on dénombre 398
maisons, dont 40 cabarets. Le 15 janvier 1858, est créée la société des
sapeurs-pompiers. On fait 90 m de pavé en grès, au-delà de la Chapelle, vers
Neuville. On se plaint de l’absence de « fils d’eau ». En 1859, le docteur Copin
est désigné comme médecin des pauvres.
En 1860, P.H.
Jonas est garde. Au début de 1861, les sentiers d’Abscon et de la
Justice sont supprimés et l’on envisage l’ouverture du chemin réunissant les
rues Victor Hugo et Desmoulins. La musique a pour chef Seconda.
Escaudain groupe 2 635 habitants. En 1862,
le docteur Ch. Copin succède à A. Copin. C’est le temps où les ménagères font
leurs emplettes à Bouchain, dont les marchandises sont moins chères. En 1863, Désespringalle devient garde. En 1867, souffle un
violent ouragan. On s’achemine vers la guerre de 1870. Escaudain aura ses
mobilisés, et aussi ses morts dont la plaque commémorative était dernièrement
apposée sur une face de l’Église.
Et vient la Troisième République en
1871.
DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
Les débuts de la République sont
marqués par des mouvements sociaux. Le 24 juillet 1872, les mineurs sont en
grève : ceux d’Aniche, tentant de gagner Denain, sont refoulés sur
Escaudain. En 1874, le maire est H. Cartigny.
Les routes, de viabilité douteuse à l’intérieur du village, ne sont encore que
chemins de chars souvent impraticables à la sortie. L’abreuvoir de la rue
Marceau est amélioré en 1880. Le premier bureau de postes est créé en 1882,
place Condorcet (dans le bâtiment de l’École ménagère). Il est tenu par un
facteur-boîtier et deux distributions ont lieu chaque jour. En 1881, la
population d’Escaudain s’élève à 3 633 habitants. La brasserie ouverte en 1855,
rue Delfille, est toujours en activité. Le parcours Escaudain-Denain, par le
train d’Anzin, coûte 30 c, aller-retour.
La fête nationale est célébrée
joyeusement, le 14 juillet 1883 : coups de canon, mâts de cocagne, jeux de
brouette… La grève des mineurs dure 55 jours en 1884. La création d’un bureau
télégraphique est sollicitée en 1885.
Le téléphone attendra 1912. Une chaufferette trône sur les tables des
estaminets. On jette du sable sur le sol des maisons. On danse dans les deux
salles de la ruelle Gambetta. En 1886, Denain est promu chef-lieu de canton. Le
conseil municipal d’Escaudain, s’associant à la proposition d’un conseiller
général, demande la création d’un département de l’Escaut ! En 1887, le
docteur E. Copin est médecin des
pauvres ; il aura pour successeurs MM. Dubus en
1892, Vanlaer en 1904, Richez en 1907, Rémy en
1911. La ligne Thiant-Lourches (par le Pont Tonneau) est utilisée le 10 août
1888.
En 1891, un grand festival réunit
813 musiciens et 2 120 pompiers. Escaudain est fort, alors, de 3 877 habitants.
Les premières bicyclettes apparaissent. Sont fondés, en 1898 la Société de Tir,
en 1899 le premier Syndicat ouvrier (E. Lecat).
En 1900, F. Dhénain est maire. Le Tsar
Nicolas II passe aux Six Mariannes, dans un train blanc, en 1901. le chant des
Escaudinois déclare, en ce temps là :
Vive Escaudain, ce petit coin
Non, non, je ne nie point que je suis d’Escaudain…
En 1904, L.
Nortier occupe le fauteuil du premier magistrat. A. Paris lui succèdera en 1908. L’inventaire des biens de l’Église est fait en 1906. On
voit les premières automobiles vers 1911. Le festival de 1913 attire 3 000
participants. M. Kirsch est garde. Rue du 4
septembre (Jean Jaurès), un « Bazar du gaspillage » accueille les
chalands, cependant que, sur la grand-place, un
« café-concert-cinéma » dispense ses distractions.
1914
Le chemineau J. Malin hante parfois le village. Les troupes Caboche et Créteur le fréquentent quelquefois. Les
enfants jouent à la « guiche ». Avant la ducasse du Rosaire, le
rétameur ambulant s’établit sur la place. La gare est bordée de haies. Les
écoliers fredonnent : « Gai, gai, l’écolier, demain les
vacances… ». Le bureau des postes se trouve rue Paul Bert (mairie
actuelle). Un charlatan-thaumaturge nous visite, de temps à autre. Certains
étés, un pâtre promène ses chèvres dans les rues. Mais le 2 août 1914, la
France mobilise.
Quelques semaines plus tard, des
dragons chassés par la retraite passent sur la route de Douai. Le 24 août,
l’ennemi se manifeste en abandonnant des bicyclettes, à proximité des Six
Mariannes. Le 25, un escadron d’uhlans cantonne dans le village. Et c’est
l’occupation. MM. Duez, Duhem, l’Abbé Mériaux sont otages un moment. À la fin de 1914,
des bons d’arrondissement - monnaie fiduciaire locale - sont émis. Les
approvisionnements diminuent. Le pétrole manque, remplacé quelque temps par du
carbure. On utilise le sel gemme.
En avril 1915, le Comité
hispano-américain fournit quelques vivres. Le magasin se tient grand-place.
Toutefois, la ration de riz descendra vite de 100 à 30 g, celle de succédanés
de café de 17 à 10 g. Le savon disparaît.
En 1915-1916, Escaudain héberge des
évacués d’Hulluch et Pont-à-Vendin. Il faut être muni d’un laissez-passer pour
sortir du village. Les réquisitions se multiplient. Le pain est un magma
noirâtre. Les chaussures font défaut. Sur la place est installé un
« lazaret » pour chevaux malades. On perçoit le sourd grondement de
la canonnade en Artois. En 1917, des Escaudinois de 15 à 55 ans sont forcés au
travail en gare de Somain. Des déportés belges construisent le chemin de fer
raccordant le Pont Tonneau aux Six Mariannes. Le 10 octobre 1918, les hommes
valides qui restent sont dirigés vers la Belgique, tandis que sautent les
installations des mines. Des environs de Lieu Saint Amand, les Britanniques
envoient quelques obus sur la cité, dont les habitants vivent en cave. Le 18
octobre, deux femmes courageuses, C. Renard et L.
Germain, vont en direction de Mastaing révéler aux troupes canadiennes,
l’absence de tout ennemi sur notre sol. Elles hâtent, ainsi, la libération
d’Escaudain. Puis, l’armistice sonne.
Et c’est le retour des soldats, des
mobilisés, où manquent près de 200 enfants du village, dont la liste figure sur
le Monument aux Morts élevé d’abord contre l’ancienne école Michelet (sur la
place) puis transporté dans la cour de l’église.
L’ ENTRE-DEUX GUERRES ET 1939
En 1919, A.
Hacquet est maire. La catastrophe de la Fosse Rœulx endeuille la commune
en 1920 : 14 victimes. Sous la magistrature d’E.
Rossy, l’ancienne Ferme de Saint Amand est transformée en jardin public
et mairie. L’école de filles du Centre est construite en 1927, l’Hôtel des
Postes est édifié. On crée le réseau d’eau potable en 1927-1928, on bâtit
l’école maternelle, près de l’église. La fosse Saint-Mark avait reçu, en 1920,
des installations modernes. Les lavoirs, en exercice dès 1909, avaient pris de
l’extension en 1923. L’immigration polonaise avait enflé la population
d’Escaudain, en 1925. On avait allumé les hauts fourneaux en juin 1926. La
ville compte 2 500 maisons en 1929. Dès 1932, des autocars la sillonnent. En
1937, un groupe scolaire reçoit les élèves au Quart de Six Heures.
Fin août 1939, les mobilisables sont
rappelés. Durant huit mois, c’est l’attente. En mai 1940, l’orage se déchaîne.
La population fuit l’ennemi. C’est un lamentable exode. Les avions allemands
bombardent les chemins encombrés de civils et de soldats en retraite. Le 18
mai, un train de réfugiés belges est atteint, en face des Lavoirs.
L’Escaut est choisi pour stopper
l’avance allemande. Le 20 mai, la 4ème D.I. prend position de Denain
à Bouchain. Le 29ème Régiment d’artillerie se déploie en arrière,
tandis que le poste de commandement se trouve à Escaudain, au « Trou
Normand » notamment. De grosses pièces sont postées dans le jardin public
et sur la place. Le commandant de Hauteclocque (futur Maréchal Leclerc)
effectue deux liaisons
Bouchain-État-major à Wallers, par Escaudain, où il s’arrête, sans doute, un
instant. Bouchain tombe le 26 mai. Des escarmouches se produisent à Escaudain,
entre l’ennemi et le 14ème Régiment de Zouaves, dont quelques hommes
auraient été provisoirement enterrés dans le jardin public. C’est l’invasion.
C’est l’occupation semée de privations et aussi d’actes de résistance allant
jusqu’au sacrifice suprême. Ainsi disparaissent, fusillés par les Allemands, Félicien Joly et Marcel Griffon.
Enfin, le 2 septembre 1944, arrive
l’heure de la libération. Auparavant, l’ennemi avait passé par les armes à
Valenciennes (Rôleur) des détenus patriotes, dont Jeanne
Boucher, agent de liaison d’un groupe de Résistance. Les vaincus
défilent sur la route de Valenciennes. Dans la nuit du 1er au 2, des
S.S. avaient séjourné dans la ville…
Une colonne d’automitrailleuses est arrêtée à Denain par les F.F.I. Elle
rebrousse chemin en tirant et tue trois Escaudinois : P. Zamagna et les jeunes Lehut
et Moriamez. Vers 15 h, des chars américains traversent notre cité en
trombe : Escaudain est libre. Un comité, présidé par M.L. Dhénain, exerce les pouvoirs administratifs.
Peu à peu, les prisonniers de guerre rentrent. La vie recouvre son cours
normal, mais en l’absence d’une trentaine de valeureux concitoyens morts au
combat ou en captivité.
APRÈS LA LIBÈRATION ET DE NOS JOURS
En 1945, M.
Moriamez est maire. Il sera confirmé dans ses
fonctions en 1947. Aux élections suivantes, M.Pintiau
occupera sa place. La pénurie de main-d’œuvre entraîne une importante
immigration étrangère et régionale, qui suscite l’implantation de nouvelles
cités ouvrières, aux chemins d’Erre, d’Haveluy, de Lourches et rue Victor Hugo.
Des maisons surgissent autour du terrain des sports. Des groupes scolaires sont construits ; des travaux de voirie
sont entrepris : le visage d’Escaudain se modifie encore. En 100 ans
(1826-1926), Escaudain, « ville champignon », avait augmenté sa
population de 900 %, puisque muée de 1 043 à 10 101 habitants. En 1954, ils
étaient 11 726, les Escaudinois.
En cette année 1954, un festival
polarise 23 musiques, est construite une Salle de la Jeunesse, poursuivent leur
fabrication les savonneries Lempereur
fondées en 1909, subsistent une quinzaine de fermes, manifestent leur vitalité
des sociétés, dont l’Harmonie, le cercle laïque né en 1913, deux associations
d’Anciens combattants et prisonniers de guerre, la folklorique Harfa… En 1955,
une succursale du Crédit du Nord prend pied à Escaudain et l’on commence à
revêtir les rues de tarmacadam. En 1956, est frappée la Médaille de la Ville,
due à M. France, 1er Grand Prix de Rome. On se prépare à
l’assainissement de la ville et des cours complémentaires admettent les
garçons. En 1957, la fosse d’Audiffret est fermée, un rond-point est aménagé
sur la place. Sont inaugurées, une école de musique, des écoles aux Six
Mariannes et à Schneider. En 1958, la Cité du Maroc est pourvue d’un groupe
scolaire, une salle de sports s’ajoute au stade, un cinquième haut-fourneau,
très puissant, st allumé au Quart de six heures.
L’année 1959 livre à la circulation
une nouvelle artère reliant les rues Zola et Danton. Elle voit disparaître les
installations de surface de la fosse Rœulx, est maintenu M. Pintiau à la tête de l’administration municipale,
cependant que le cimetière est agrandi et que les vieux bâtiments de la fosse
Élise sont démolis. Tandis que le centenaire de l’Harmonie est fêté en 1960,
que des Ateliers d’agglomération de minerais entrent en service, route de
Douai, la Municipalité adopte un écu d’Escaudain comprenant le blason des Beaufort,
qui furent seigneurs chez nous (canton dextre chef), les armoiries de l’Abbaye
de Saint Amand (d’azur parsemé de lys d’or), celles de Dom Lernould , coiffant
une porte de la Coopérative, et d’une Tour pour Meuble (canton senestre
pointe). Après l’inauguration de la Salle des Sports au stade, en 1961, un
bureau de Caisse d’épargne ouvre ses guichets en 1962, le Pont Tonneau s’efface
devant un ouvrage en béton, le lotissement Philippe connaît ses premiers
occupants, la ligne Somain-Busigny est électrifiée. Escaudain perd de plus en
plus le caractère du vieux village qu’il fut. Mais, deux guerres l’ont
attristé, Indochine (1946-1954), Algérie (1954-1962), qui coûtèrent la vie à
une vingtaine des siens. Le recensement de 1962 accuse 11 705 habitants. En
mars 1963 une grève dans les mines, commencée le 1er mars, dure 35
jours. La chapelle à la Cité de la Victoire est livrée aux fidèles. En 1964, on
entreprend la restauration de la Tour, alors qu’on abat la gare
« d’Anzin » qui datait de 1839, et qu’on ouvre une allée conduisant
au jardin public en partant de la Place. En mars 1965, le conseil municipal est
renouvelé : M. Pétillon devient maire.
Ici, nous arrêterons ce mémoire.
Peut-être un jour, selon Virgile, aura-t-il ses charmes. Forsan et hæc…